L’offre publique d’acquisition (OPA) représente une étape majeure dans la vie d’une société cotée. Elle suscite de nombreuses interrogations chez les actionnaires, les investisseurs et les dirigeants. Ce mécanisme, strictement encadré par l’Autorité des marchés financiers (AMF), peut bouleverser l’actionnariat, la gouvernance et la stratégie d’une entreprise. Pour bien comprendre les enjeux d’une offre publique d’acquisition, il est essentiel de maîtriser ses principes, ses différentes formes, son déroulement et ses conséquences sur les marchés financiers.
Qu’est-ce qu’une offre publique d’acquisition ?
Une offre publique d’acquisition est une procédure boursière par laquelle une société (l’initiateur de l’offre) propose publiquement aux actionnaires d’une société cotée (la société cible) de racheter tout ou partie de leurs titres à un prix déterminé, généralement supérieur au dernier cours de bourse. Cette opération vise à prendre le contrôle de la société visée ou à renforcer une participation existante.
L’OPA s’adresse à tous les détenteurs d’actions de la société cotée sur un marché réglementé, comme Euronext Paris. L’initiateur s’engage à acquérir les actions qui lui seront apportées, selon les modalités précisées dans un projet d’offre soumis à l’AMF. L’AMF veille à la transparence, à l’égalité de traitement entre actionnaires et à l’intégrité du marché.
Les différents types d’offres publiques
Avant d’entrer dans le détail du processus, il convient de distinguer les principales formes d’offres publiques d’acquisition, qui diffèrent selon la nature de la contrepartie proposée et les objectifs poursuivis.
L’OPA (offre publique d’achat) se traduit par une proposition d’achat des actions contre une somme en numéraire. L’initiateur offre un prix par action, souvent assorti d’une prime par rapport au cours de bourse, pour inciter les actionnaires à vendre leurs titres.
L’OPE (offre publique d’échange) consiste à proposer aux actionnaires d’échanger leurs actions contre d’autres titres, généralement émis par la société initiatrice. L’échange s’effectue selon une parité fixée à l’avance.
D’autres variantes existent :
- Offre mixte : elle combine numéraire et échange de titres.
- Offre alternative : l’actionnaire choisit entre plusieurs modalités de règlement (numéraire, titres ou les deux).
L’OPA peut être amicale (avec l’accord de la société cible) ou hostile (contre l’avis du conseil d’administration de la société visée). Dans tous les cas, chaque actionnaire reste libre d’apporter ou non ses titres à l’offre.
Quand une offre publique d’acquisition devient-elle obligatoire ?
Le déclenchement d’une offre publique d’acquisition peut être volontaire ou imposé par la réglementation. Sur Euronext, une offre devient obligatoire dès lors qu’un actionnaire franchit certains seuils de détention :
- 30 % du capital ou des droits de vote (marché réglementé)
- 50 % sur Euronext Growth
Si l’initiateur détient déjà entre 30 % et la moitié du capital, une augmentation de plus de 1 % en moins d’un an déclenche également l’obligation de déposer une offre publique d’acquisition. L’objectif est de protéger les actionnaires minoritaires et d’assurer l’égalité de traitement.
Le prix proposé doit alors être au moins égal au prix le plus élevé payé par l’initiateur au cours des douze derniers mois. L’AMF peut toutefois autoriser une modification du prix dans certains cas particuliers.
Le déroulement d’une offre publique d’acquisition
La procédure d’OPA suit un cadre réglementaire strict, afin de garantir la transparence et la loyauté des opérations sur les marchés financiers.
L’initiateur commence par déposer un projet d’offre auprès de l’AMF, accompagné d’un projet de note d’information détaillant les caractéristiques de l’opération (prix proposé, nombre de titres visés, intentions stratégiques, financement, etc.). Ce document est publié et reste soumis à l’examen de l’AMF, qui peut demander des modifications.
La société cible publie à son tour une note en réponse, contenant l’avis motivé de son conseil d’administration, les conclusions éventuelles d’un expert indépendant et l’avis du comité d’entreprise. Cette note en réponse est également soumise à l’AMF et mise à la disposition du public.
L’AMF contrôle la conformité de l’offre, s’assure du respect des principes d’égalité, de transparence et de loyauté, puis publie le calendrier de l’opération sur son site internet.
Calendrier de l’offre publique d’acquisition
Le calendrier d’une offre publique dépend de la situation de l’initiateur :
- S’il détient moins de 50 % du capital ou des droits de vote, l’offre est ouverte pendant 25 jours de bourse. Une contre-offre ou une surenchère peut intervenir durant cette période. Une réouverture d’au moins 10 jours de bourse peut suivre, aux mêmes conditions.
- S’il détient plus de 50 %, l’offre est ouverte pendant 10 jours de bourse minimum (15 jours pour une OPE).
À la clôture, l’AMF publie le résultat de l’offre. Les actionnaires sont informés par leur intermédiaire financier ou via les communiqués officiels.
Les conséquences d’une OPA pour les actionnaires
L’OPA représente une opportunité pour les actionnaires de céder leurs actions à des conditions souvent avantageuses. Le prix proposé inclut généralement une prime par rapport au dernier cours de bourse, afin d’inciter les détenteurs à apporter leurs titres à l’offre.
Les actionnaires minoritaires bénéficient d’une protection renforcée par l’AMF, qui veille à l’équité de l’opération et à la qualité de l’information diffusée. Ils peuvent consulter la note d’information, la note en réponse, ainsi que les avis et rapports d’experts indépendants sur le site de l’AMF ou auprès de leur intermédiaire financier.
En cas de succès de l’offre publique d’acquisition et si l’initiateur atteint 90 % du capital et des droits de vote, il peut procéder à un retrait obligatoire (offre publique de retrait), entraînant la radiation de la société de la cote et l’expropriation des actionnaires restants contre indemnisation.
Les enjeux stratégiques et les moyens de défense
L’OPA peut bouleverser la gouvernance et la stratégie de la société cible. Elle s’accompagne souvent d’une bataille boursière, surtout en cas d’offre hostile. Les dirigeants de la société visée peuvent mettre en place des moyens de défense, tels que l’émission de bons de souscription, l’augmentation de capital ou la recherche d’un « chevalier blanc ».
Le comité social et économique de la société visée doit être informé et peut désigner un expert-comptable pour évaluer les conséquences de l’offre. Le conseil d’administration doit se prononcer sur le caractère amical ou hostile de l’opération et sur la pertinence du prix proposé.
L’AMF peut bloquer une offre si elle estime que l’information fournie est insuffisante ou trompeuse, comme ce fut le cas lors de l’OPE d’Altice sur SFR en 2016.
Exemples récents d’offres publiques d’acquisition
Plusieurs OPA ont marqué l’actualité des marchés financiers ces dernières années. L’acquisition de Whole Foods Market par Amazon en 2017 illustre une offre publique d’acquisition réussie, avec une prime significative offerte aux actionnaires de la société cible. À l’inverse, la tentative de rachat de Qualcomm par Broadcom en 2018 a échoué face à l’opposition du conseil d’administration et des autorités de régulation.
Ces exemples montrent que le succès d’une OPA dépend de nombreux facteurs : choix de la cible, prix proposé, calendrier, négociation avec la direction et respect des règles de l’AMF.